Ça y est, on est déconfinés ! Je me lance donc dans un défi simple pour tester mon nouveau style de vie: vivre et travailler au mouillage uniquement pendant un mois. Je vivrais sur mes réserves et les arrêts au port et les réapprovisionnements sont interdits !

Merci Kernével

Je suis arrivé au port du Kernével le 21 Février dernier et m’y suis retrouvé confiné. J’ai fait la connaissance de quasiment tous ceux qui vivent à bord de leur bateau là-bas et l’ambiance y était vraiment très sympa. J’y ai fait beaucoup de travaux dans le bateau qui ne sont pas complètement achevés. Le mois de juin arrivant, la question de rester pour finir les travaux ou partir se posait tout naturellement…

Le choix fut vite fait : je pars et je reprends mon programme d’avant la crise !

Donc j’en suis là, je vais tester le style de vie qui est l’essence même du projet.

Vivre à bord, naviguer, voyager, ne payer aucun loyer, travailler, pêcher, fuir les intempéries, choyer mon bateau, l’aimer, le détester… M’ennuyer, faire du pain, m’amuser, faire encore du pain…

En réalité je ne sais pas où je vais – au sens propre comme au figuré – mais ce qui est sûr c’est que je quitte ce que je connais.

Bref, l’inconnu… Seulement pour un mois, ce n’est pas non plus un exploit !

L’avitaillement et derniers ajustements

Une journée de courses, pas moins de 7 heures passées dans les magasins à acheter la nourriture et équipements qu’il me manque. Je reviens crevé, mais avec de quoi faire de la plongée sous-marine en apnée, de quoi vivre pendant sûrement un mois et demi ou bien plus. Ce n’est pas avec surprise que je constate ne pas avoir un seul légume frais : tout est conserves et « trucs en poudre ».

Hormis cela il y a pas mal d’absurdités comme un excès de pois-chiches et une carence en patates et en oignons. Ha oui, avec 15kg de farine je vais pouvoir en faire du pain ! Ça tombe bien j’ai 20 boites de pâté Hénaff et 10 de sardines.

J’enlève les étiquettes pour pas qu’elles ne bouchent les pompes de cales

En début de confinement j’avais retiré les réservoirs d’eau de la quille pour pouvoir travailler dedans. Il est temps de les remettre à poste car je vais avoir besoin d’eau douce pendant ce mois en solitaire. Je passerais une journée complète pour remettre tout ça en place correctement.

C’est long, c’est pénible, c’est un départ qui me semble interminable, j’en ai marre !

Le départ, le vrai !

Viens enfin le moment où je prend une dernière douche, où je fais le plein des réservoirs avec 200L d’eau douce, range le bateau pour que rien de cassant ne tombe… Puis il faut y aller.

J’ai une mauvaise appréhension de la manœuvre de port et même si je pars à marée haute et donc sans courant, il y a quand même pas mal de vent. Bref, je commence à larguer les amarres une après les autres pour voir comment se comporte le bateau sans telle ou telle amarre, puis finalement tout semble plutôt correct, je largue les deux dernière et puis « ho bah tiens ça y est », je ne touche plus la terre !

Un peu en vrac tout de même puisque le bateau part de travers à cause du couple d’hélice, donc je dois le remettre dans l’axe en poussant avec mon pied sur le bateau voisin, c’est pas du tout la classe mais ça marche. J’aurais pu demander l’aide des copains mais non je veux faire seul, c’est important. C’est très important.

« Mais que fait-il, il aurait pu nous demander un coup de main au lieu d’avoir l’air aussi con ! »

En sortant du port je range les amarres, les par-battages et m’apprête à hisser les voiles quand Iceni, la grosse vedette des copains sonne de la corne de brume pour me dire au-revoir. Je salue les amis de la main et continue mes geste machinalement, mais c’est un moment dont je me souviendrais. On s’est bien entre-aidés les uns les autres et surtout on a bien rigolé pendant ce confinement ! Maintenant il faut hisser les voiles et naviguer.

Une page se tourne, et une nouvelle se présente.
Voilà, je suis parti !

Pour m’amuser et pour travailler

À peine sorti de la rade le vent tombe, j’avance tout doucement et contourne l’île de Groix par le nord où je croise des dauphins qui s’amusent à sauter de l’eau. J’arrive enfin au mouillage de port saint Nicolas, une petite crique très sympa où je mouille l’ancre.
J’y passerais deux jours. Je travaillerais le matin et le soir, la journée je plonge pour nettoyer la coque d’Øya. Pendant le confinement elle s’est faite envahir de ce petit velours d’algues. Là elle a retrouvée son beau bleu initial !

Le mouillage de port Saint Nicolas, à l’ouest de l’île de Groix.

Qui dit télétravail dit connexion internet. Par principe, au mouillage on cherche l’abri des intempéries, ce sont donc plutôt des endroits encaissés où l’on capte mal et d’un côté tant mieux. Pour corriger le problème je mets mon téléphone en mode partage de connexion pour ensuite le hisser en haut du mât. Ainsi j’ai une connexion 4G impeccable et une bonne excuse pour ne pas répondre au téléphone !

Raté

Avec ce petit train-train alternant travail et vacances j’en oublie l’essentiel et ne regarde qu’avec légèreté la météo. Mercredi soir je vois bien que le vent forcit beaucoup les deux jours suivants, mais je préfère pêcher plutôt que de préparer sérieusement la suite de mon programme en me disant « j’irais aux sables rouges, là-bas je serais abrité ».

Bref, c’est évidemment faux et je pars le lendemain à la va-vite pour aller mouiller à l’île de Houat en baie de Quiberon. La route se passe très bien, Øya avance pas si mal que ça dans 5 Beaufort de vent ! Je me retrouve rapidement (4-5h plus tard) à l’approche de Houat quand je constate sur la carte numérique que le mouillage de Treac’h er Goured y est désormais interdit. C’est nouveau puisque sur ma carte papier acheté en décembre dernier c’était autorisé.

Je me déroute vers l’entrée du Golfe du Morbihan avec l’idée de trouver un mouillage à l’entrée ou au pire aller au port du Crouesty, ce qui voudrait abandonner mon challenge et donc échouer lamentablement au bout de 4 jours.

On ne rentre pas dans le golfe comme ça, il est bien réputé pour ses courants violents et il faut faire attention. Je n’ai pas non plus envie de m’avouer vaincu, donc je mouille une première fois pour temporiser en face de la plage du Fogeo, un endroit mal protégé des vents annoncés. Ensuite, je repartais mouiller pile à l’entrée du golfe pour y entrer au bon moment de la marée le lendemain.

Jamais deux sans trois

Cet endroit est abrité du vent mais peu du courant. Pendant la nuit, Øya dégage les même sons que lorsqu’elle est en navigation à cause du courant qui frotte contre sa coque. Elle titre fort sur sa chaîne qui racle contre le fond qui fait alors des bruits sourds. Je ne connais pas encore tous les bruits de mon bateau, donc je sors souvent pour comprendre d’où vient tel ou tel bruit.

La nuit fut courte donc je suis fatigué. Je fais une vaine tentative pour entrer dans le golfe, trop tôt ! Puis une seconde, encore raté !
Enfin, j’arrive à passer l’entrée et à mouiller à l’abri de l’île Longue, à peine plus loin.

C’est terminé, 27H après mon départ du mouillage de Port Saint Nicolas, dont 8H pour faire les 95% du trajet. Ici on se sent quasiment pas le vent et le soleil tape fort, tant mieux !

C’est tant mieux

Je fais une sieste au soleil puis un débriefing avec moi-même, qui est plutôt sévère. Anticiper, préparer des plans B, c’est la base.

Il le savait, on lui avait dit, mais il ne l’a pas fait: hô comme il est nul !

La conscience

C’est pas grave, bien au contraire. C’est comme ça que j’apprends: en faisant mes erreurs tout seul.

Le soleil du Golfe du Morbihan se mérite !

Nouvelle étape au calme

Dans le Golfe je découvre une toute autre atmosphère…

Une demi-heure après être arrivé un employé a commencé à tondre la pelouse sur l’île Longue. Les bateaux ne s’arrêtent pas de passer ici et là : des papis avec leurs petits enfants, des ostréiculteurs, des vedettes à bimbos sans bimbos, des vieux gréements, des pêcheurs… Et moi qui prends ma douche salée au milieu de tout ce beau monde.

Le soir je pêche et cuisine mes maquereaux. Dommage que je n’aime pas ce poisson, mais frais c’est pas si mal que ça finalement !

Depuis, j’ai changé d’île. Maintenant il faut que je travaille. J’ai tout de même déjà envie de sortir du golfe. C’est joli mais ce n’est pas l’océan. C’est pratique car abrité !


À suivre…