Dans le vif du sujet ! Trouver le bon bateau est la première grande étape de tout projet marin ! Autant j’avais trouvé l’occasion idéale au troisième bateau visité en Norvège, autant cette fois-ci était beaucoup plus difficile. Et pour cause, le projet est bien plus ambitieux…

Le paradis ça se paye !

Mythique phrase qu’une paire de Corses avaient lancé indirectement à mon père lors d’une escale. Ils faisaient mine de discuter ensemble mais le message était bien adressé à l’homme du continent qui venait fouler leur terre sacrée. Douloureux message d’accueil, mais il faut admettre que la réalité de notre monde leur donne parfois souvent raison !

J’avais 20000€ en tout sur mon compte pour le vilain projet. Autrement dit pas grand chose !

Compromis, stratégies…

On trouve des bateaux pour pas cher sur LeBonCoin notamment, mais il faut prévoir de sacrés travaux pour la plupart d’entre eux.

Les travaux dans le domaine maritime sont coûteux en temps, en énergie et en argent… Il faut faire attention à ne pas se laisser piéger par l’envie ou l’impatience car elles peuvent facilement se traduire par un chantier de 6 mois voir années nourri à l’huile de coude + quelques milliers d’euros en pièces et matériel, sans parler de la logistique.

L’idée est donc de chercher le bateau qui coïncide le mieux avec les besoins du projet, au meilleur tarif et avec le moins de travaux possible. Une autre stratégie est d’inclure la rénovation du bateau dans le projet lui-même, sur par exemple une période d’un an ou deux. Sinon, trouver un bateau qui nécessite des travaux n’empêchant pas la navigation…

Définir le profil du bateau idéal

Commençons par le commencement. De la même manière qu’on achète pas une formule 1 pour faire du rallie, il faudra se procurer le bateau qui correspond à ce que on veut en faire. Et par conséquent, savoir ce que l’on veut faire ! Il faut un projet.

En ce qui me concerne, j’avais posé le cadre du vilain projet assez formellement avec des règles:

  • Vivre à bord. Ça rime avec confort, il faudra de la place pour l’homme ses affaires.
  • Travailler. Télétravail veut dire autonomie en énergie, un bureau minimaliste et de quoi protéger ces affaires de l’air marin.
  • Voyager. Le bateau doit simplement être en parfait état de naviguer, notamment un jeu de voile correct, un moteur sans histoire. Je compte aussi être en solitaire la plupart du temps. C’est un détail non négligeable, comment monter seul en tête de mât et en sécurité pour faire une réparation par exemple ?
  • Expérimenter tout et n’importe quoi. Les expérimentations s’adapteront pour la plupart au bateau, mais un minimum d’équipement devra être disponible dans un atelier de bord.
  • Ne pas devenir marginal. Autant dire que le bateau doit pouvoir me permettre de recevoir des gens, équipiers comme visiteurs. Une annexe sera impérative pour se rendre à terre depuis les mouillages.
  • Se marrer et être heureux. Cela signifie que le bateau doit permettre tout ce qui est listé ci-dessus de manière équilibrée afin que tous les programmes puissent aboutir.

En résumé j’étais à la recherche d’un voilier autonome en énergie, où j’aurai de place pour mes affaires et pour d’autres personnes, un atelier et en parfait état de naviguer.

Coque polyester ou coque acier ?

Maintenant qu’on a a peu près les caractéristiques du bateau idéal, il faut restreindre les possibilités pour revenir vers la réalité.

Avant on faisait des bateaux en bois, puis en acier et depuis les années 70 des bateaux en polyester. Chez les pros on trouve du carbone aussi et on trouve aussi des bateaux en aluminium, mais on va rester sur ce qui nous est accessible : polyester et acier. Les bateaux en bois sont magnifiques mais d’après ce que beaucoup disent, ils demande un entretien trop gourmand en regard du projet souhaité…

Note: en fait je suis intimement persuadé qu’on peut faire ce projet avec un bateau en bois sans que ça soit aussi terrible qu’on le décrit. Mon but est de réaliser mon projet et non de prouver que mon intuition est juste, donc mieux vaut écouter les conseils avisés des sages.

Polyester: le plastique c’est fantastique

Le polyester est léger, assez facile à travailler et relativement bon marché. Le premier problème dont on parle à son sujet est généralement l’osmose.

L’osmose

Avec le temps la coque en polyester est victime de cette réaction chimique, qui transforme grosso modo le beau matériau rigide en un vulgaire chewing-gum. Ça se traite bien mais encore faut-il que l’ancien propriétaire l’ait fait, et bien.

À noter que ce problème se rencontre beaucoup moins en Scandinavie car là bas la mer gèle en hivers, donc les bateaux passent la basse saison au sec. Le phénomène se produit donc beaucoup plus tard dans la vie du bateau dont la coque rencontre souvent la roche avant que l’osmose fasse sa première cloque…

Je ne peux pas m’empêcher de penser très fort que « en fait, les Norvégiens, eux, ils rangent leurs jouets quand ils ne s’en servent pas. »

Je suis peut-être un petit peu médisant, car certains le font par chez nous aussi, et d’ailleurs ce sont ces bateaux là qui sont les bonnes affaires !

Avec un petit budget comme le mien et une taille de plus de 9m on s’aperçoit vite qu’il faut chercher des bateaux de plus de 25 ans. Autant dire que l’osmose est la première chose à regarder.

Réparabilité

Ce matériau a un autre inconvénient, il est rigide et relativement cassant. Il est constitué de fibres de verre enrobée de résine polyester. C’est pour cela qu’on parle aussi de « stratifié ».

Un choc un peu fort va fissurer voir briser et décoller ces fibres en profondeur. Ces éclats réduiront à néant les vertus du matériau (étanchéité, solidité) et il faudra faire la réparation au plus vite.

Souvent, la réparation consiste à reboucher les éclats avec de la résine et renforcer la réparation en posant de nouvelles strates de fibre de verre. En fonction de l’ampleur des dégâts, il faudra éventuellement le matériel d’un professionnel pour injecter la résine sous pression, mais pour les petits dégâts on peut réparer soit-même. En cas extrême ce n’est pas réparable…
Je tiens à souligner que ce que j’évoque n’a pour but que de donner un ordre de grandeur des procédés, non pas de les décrire avec exactitude, ce que je décris ici est incomplets !

Si l’eau s’infiltre dans la plaie elle aura tendance à se propager par capillarité (comme le café dans le sucre) éventuellement en y amenant des impuretés.
Si la plaie a été mouillée, il faudra attendre qu’elle sèche avant de pouvoir faire la réparation.

En gros avec le polyester la casse est contraignante à la réparation, et pardonne peu.

Après normalement on évite les rochers, hein !

Emprunte écologique

Ce matériau est polluant de par sa nature. Une recherche sur un moteur de recherche vous permettra de vous en rendre compte. Une épave en polyester est une catastrophe écologique. Ça casse un peu l’aspect écologique de la voile n’est-ce pas…

Mais les choses bougent avec l’APER, une association qui a booste le recyclage des bateaux de plaisance.

Acier, le métal c’est la vie

L’acier est un matériau lourd, mais solide. Quand on regarde les annonces, les mentions « grand voyage » ou encore « tour du monde » sont récurrentes. C’est un signe…

Pour l’entretien, ses inconvénients les plus souvent cités sont la rouille (l’oxydation) et l’électrolyse.

La rouille

L’anguillère de cette varangue semble avoir été bouché. En conséquence une zone de stagnation de l’eau.

La rouille est en chimie une oxydoréduction (voir wikipedia). Par ce procédé, il tend à se transformer en rouille petit à petit et ainsi disparaître intégralement. Les propriétaires de coques acier sont en perpétuel combat contre la rouille, c’est un entretien normalement léger mais permanent:
Un point de rouille apparaît ? Tu ponces, tu peins et c’est terminé.

L’intérieur de la quille d’un voilier que j’ai visité. Elle aurait besoin d’un sablage et d’un traitement.

Pour ça, et par conséquence il faut regarder, savoir où regarder et même regarder là où on ne voit pas.
Prenons l’exemple de la quille qui est remplie avec du lest. Parfois, il se produit un jour entre le lest et la taule qui constitue la quille. Ce jour laisse accès à l’air chargé en humidité qui se fera un plaisir de faire rouiller la quille de l’intérieur.
Donc il faut de la vigilance et réfléchir à tous les recoins même insoupçonnés où pourraient se loger la rouille.

Le titanic a sûrement déjà pas mal fondu tandis que la tour Eiffel, qui elle est constamment entretenue tient toujours fièrement en place.

Ductilité

La ductilité: si tu tord un bout d’acier dans la limite du raisonnable, il sera toujours résistant. La même expérience avec le bois, le plastique et certains autres métaux n’a pas le même résultat.

Les vielles voiture en témoignent: l’acier de la carrosserie est tout cabossé mais tient toujours bon. Par contre il manque des morceaux aux par-chocs en plastique !

Réparabilité

Sa « facilité » de réparation est aussi un avantage: soit on redresse une déformation, soit on change un morceau de taule.

À partir du moment où on sait souder et manier la disqueuse on est en mesure de faire beaucoup de choses: remplacer une surface trop rouillée, une taule qui a reçu un choc, ou tout simplement apporter des modifications.
L’exemple de Guirec Soudée est flagrant: à cause de l’oxydation, il a remplacé beaucoup de taule de la coque d’Yvinec. Ensuite il est parti laisser son bateau se faire prenre dans les glaces et ça a bien tenu le coup !

Un bémol tout-de-même, avant de faire ce genre d’opérations correctement il faut avoir certaines compétences en chaudronnerie qui sont loin d’être innées (un article va venir à ce sujet).

Électrolyse

Un autre inconvénient est le risque d’électrolyse. C’est un procédé chimique qui va faire fuir les atomes un à un de la coque vers la nature du fait d’un déséquilibre électrique du bateau avec son environnement marin.
Typiquement une fuite de courant du circuit électrique du bateau va stimuler ce processus et il faut le surveiller de près.

Conclusion

Avant cette analyse plutôt objective, les coques aciers ne m’intéressaient pas tant que ça. Je n’y voyais que des problèmes et les imaginais comme des bateau peu performants avec des contraintes d’entretien complexes.

Avec plus de recul ils ne sont effectivement pas dessinés pour être des foudres de guerre. Ils sont plutôt spacieux, confortables et permissibles. Leur solidité est à toute épreuve et leur entretien est finalement raisonnable à condition d’être rigoureux.

Donc au final, les mentions « grand voyage » et « tour du monde » me paraissent plutôt légitimes en regard des coques acier. La boucle est bouclée, je ne pense pas être déçu quand à l’achat d’Øya !