Les fêtes sont passées, bonne année ! Maintenant plus d’excuse, il faut avancer, faire le nécessaire pour boucler ces préparatifs qui s’éternisent et mettre Øya au plus vite. Dans cet article, je vous explique mon quotidien en terre bretonne !

J’habite sur Øya certes, mais à côté de la mer sur un parking… C’est nul !

Comme décrit sur la page du projet qui d’ailleurs est actuellement la page d’accueil du blog, j’en suis toujours à l’étape 3 « préparatifs avant appareillage ». Il y a encore quelques petites choses à faire avant de passer à l’étape 4 « phase de test sur l’eau », et je languis…

Ce qu’il y a à faire, c’est remettre le bateau en service. Il a été hiverné en automne 2018, il y a donc un millier de petites choses à faire et vérifier ici et là. C’est ce que je fais en ce moment.

La rentrée pour de vrai

Pour être efficace je m’impose une certaine discipline et fais comme si j’étais au boulot. Après tout, c’est mon projet.

Le retour de la routine

Une routine quotidienne donc, comme ce mot a des consonances péjoratives pour moi, j’appellerais cette routine la journée type du bonheur histoire de me donner du courage. Elle consiste tout simplement à avoir un rythme professionnel, mais tranquille sans pression, en d’autres termes normal.

Rien de bien extraordinaire, mais simplement:

Préparer le petit-déj la veille, ça change toute la donne quand le réveil sonne !
  • Planifier la veille les tâches à faire le lendemain simplifie beaucoup les choses, et ça donne envie de se lever. Tout au long de la journée je prends des notes sur ce que je fais, tout et n’importe quoi. En relisant ces notes je peux prévoir plus finement les tâches à faire.
  • Faire une liste des repas pour les quelques jours à venir, c’est important de se faire plaisir midi comme soir. Surtout, ca m’épargne ces longs moments d’hésitation à me demander ce que je peux bien manger en regardant ce que j’ai en stock. Non là je fonce, en quelques minutes j’ai un plat chaud et je dois dire pas mauvais du tout en général. Le second effet positif est qu’il découle de ce planning des repas une liste des courses on ne peut plus claire.
  • Imposer la pause ! C’est important, les matinées et après midi sont intenses, donc je m’impose un moment d’arrêt complet où toute pensée en rapport avec le projet est interdite.
  • Cuisiner le soir, pas de plat tout fait. C’est l’occasion de tester les recettes qui me conviendront une fois sur l’eau. Il faut inclure cette activité au quotidien dès maintenant car elle est importante, tout comme le sommeil. Dans un bateau on n’a pas tout l’équipement comme dans une maison, donc tester une recette inclue aussi et surtout la tester sur le matériel qu’on a.
  • Activité du soir, différente de celles de la journée.
  • Pas d’écran après 21H30, pour faciliter le sommeil, je lis des livres en papier donc.
  • Regarder la météo, beaucoup de mes travaux dépendent de celle-ci.
Cherchez l’erreur…

En fait ça ressemble à une période d’entraînement pour ma future vie à bord. C’est assez similaire au rythme que j’ai avec mes stagiaires aux Glénans.

En tout cas après une semaine de mise en pratique ça fonctionne plutôt bien. Je ferais évoluer cette journée type du bonheur avec le temps, en fonction des circonstances.

La vie à bord

Il y a du pain sur la planche, certes, mais il faut justement se nourrir et vivre au milieu de tout ça.

Je déteste ranger des choses que je ne sais pas où ranger

Mon ami D-meat

Vivre sur un bateau en plein chantier s’avère aussi une activité en soi, l’espace est exigu et les affaires nombreuses. Certains produits sont toxiques, d’autres inflammables… Il parait évident qu’il ne faut pas boire de l’acétone, mais on pose plus facilement cette bouteille à côté de la flamme du camping-gaz, puisqu’on ne sait pas où la poser…

Emménagement en cours…

La source d’eau est à 20m, c’est déjà très bien car je peux remplir mes deux bidons de 20L. Alors je les jette par dessus-bord, je descend, les récupère, les rempli, attache le premier au cordage que j’ai laissé pendre du bateau, remonte, hisse le premier bidon en faisant attention à mon dos, redescend, attache le second bidon, remonte, hisse le second. On monte et on descend souvent, il faut s’y faire, mais toujours faire attention, ça serait dommage de se luxer une cheville aussi bêtement

Je me situe pile dans l’alignement de la piste de la base aéronavale de Lann Bihoué. De temps en temps il y a une paire de Rafales qui viennent s’entraîner à faire des touch and go sur la piste. C’est un avion splendide mais bruyant, à chaque passage l’alarme de la voiture d’à côté se déclenche. Ça va, ils ne passent pas tous les jours !

J’ai trouvé des toilettes publiques pas trop loin du centre à 3 minutes en voiture. Il m’arrive de m’y rendre à 21H, les passants me regardent intrigués, moi en pyjama avec mon rouleau de PQ… Bêh quoi ?

On pourrait avoir l’impression que ma situation ne me plaît pas, mais en fait pas du tout. Ça fait longtemps que je n’avais pas été aussi bien, que je n’avais pas été chez moi dans ma coquille.

La préparation d’Øya

C’est vrai au juste, que dois-je faire ? La liste des tâches est la suivante (cf la page le projet):

  • ✔️ Changement des anodes usées et remise en état des autres
  • ⬜ Traitement des départs de rouille
  • ⬜ Remise en service du moteur
  • ✔️ Récupérer le reste des affaires chez l’ancien propriétaire
  • ⬜ Refaire le circuit de gaz
  • ⬜ Armement (cf. Wikipédia)
  • ⬜ Carénage puis application de l’antifouling

Ça semble peu sur le papier, mais en vrai c’est une certaine quantité de travail assez exigeant et fatiguant.

Entre deux dépressions

Pendant l’hiver en Bretagne la météo est assez facile à comprendre car c’est le cas d’école: on enchaîne les dépressions, quand une est passée il fait « beau » un ou deux jours et la suivante arrive.

J’ai besoin de traiter des petits départs de rouille sur la coque du bateau, et le traitement époxy que je dois appliquer met dix heures à être sec au touché quand la température est de 10 degrés. Je dois appliquer au moins 4 couches plus une protection pour le traitement lui-même qui est photosensible. Autant dire que la moindre fenêtre météo n’est pas à rater.

Traiter la rouille sur les oeuvres-vives consiste à retirer toute la surface rouillée, poncer, puis appliquer plusieurs l’époxy. Sur cette image on voit en blanc le traitement après trois couches. Plus que deux: une d’époxy, une de primer intermédiaire.

Alors, dès qu’il fait sec pour plus de 15H d’affilé, j’interromps immédiatement ce que je suis en train de faire et j’applique une couche d’époxy.

J’avais prévu de ne rien faire dimanche à part me reposer, comme tout travailleur qui se respecte n’est-ce pas ? Eh bien non, ici on a eu un grand ciel bleu avec 14 degrés tout l’après-midi !
Donc j’ai mis mes gants, pris mon pinceau, préparé tout le bazar et appliqué une couche d’époxy au lieu d’écrire cet article !

La belle journée type du bonheur reste tributaire de la météo, avec les avantages et les inconvénients que ça apporte !

La logistique

Tout ce travail nécessite du matériel coûteux que je dois me procurer. C’est aussi la première fois que je fais ce genre d’opérations moi-même sur un bateau, donc j’ai absolument tout à apprendre.

Un premier trajet pour ramener tout l’armement à bord.

J’ai la chance d’avoir ma cousine Maïlys d’une extrême gentillesse qui a bien voulu me prêter sa voiture. Ça simplifie beaucoup les choses ! Que ce soit en outillage ou en ustensiles de cuisine, j’ai besoin de tout. Je commence quasiment à tutoyer les vendeurs du magasin de bricolage et d’Emmaüs car je m’y rend presque quotidiennement.

Vie sociale

Hé bien à ce niveau là, pas grand chose !

Bienvenue en Bretagne

Au cas où t’avais pas compris, ici c’est la Bretagne. Je dis ça parce que c’est quand même compliqué de ne pas s’en rendre compte. Ici, les couleurs du pays c’est noir et blanc, méditez là dessus…
Tout est noir et blanc: le pain, le coca, les noms de domaine, tout est bzh et même les toilettes publiques ont un drapeau breton.

Des drapeaux de partout !

Sur la route les panneaux parlent Breton et j’écoute aussi la radio en Breton ! C’est une langue assez spéciale qui tourne au ridicule quand on entend un flagrant accent français derrière.

Ha le terroir, la conservation du patrimoine, la nostalgie des temps anciens, plus c’est vieux mieux c’est !

C’est beau toute une population aussi unie derrière sa culture tout en restant accueillante comme je le décris plus bas dans cet article.

C’est surprenant tout de même, comme cette région qui vote plutôt à gauche met en avant et de manière exacerbée, tous ces signes plutôt très identitaires !

Sur la route tout est paisible, pas de klaxon, ceux qui veulent rouler plus vite attendent que celui qui est devant se pousse. Contrairement à Marseille, ici les appels de phare servent à dire « vas-y tu peux passer » plutôt que « casse toi pauv’ connard »… Impressionnant !
Et cerise sur le gâteau, les piétons peuvent traverser sans risquer leur vie.

Effectivement, ils ont des raisons de revendiquer leurs « couleurs ».

Sur le chantier

Øya est posée à l’entrée du parc à bateau, donc les passants me saluent, certains s’arrêtent et me questionnent. L’un d’entre eux cherchait un bateau à vendre, je peinais à hisser mes affaire sur le bateau donc je l’ai utilisé.
Ensuite il a voulu monter voir l’intérieur d’Øya et je lui ai dit « non ! ». C’est mon bateau.

Ma douche

Bernard, le mec à qui j’ai acheté une splendide bouilloire en inox sur leboncoin est venu me rendre une visite surprise avec sa femme samedi après-midi. C’est gentil, on a papoté pendant quelques minutes sur les bateaux.

J’ai aussi un voisin de chantier, Éric, un retraité a l’apparence plutôt « roots » vêtu d’une combinaison de ski avec ses cheveux longs et sa barbe jaunâtre et mouillée sous le nez. Il est ici depuis qu’il a acheté son voilier de 8m il y a six mois. Ce bateau était à l’abandon, il l’a eu pour 1000€ et depuis il gratte sa coque pour lui appliquer au printemps un traitement anti-osmose (voir mon article Comment choisir son voilier ?).
Cet homme a plutôt l’air heureux, solitaire mais satisfait. Il fabrique des objets en garcette qu’il vend sur la place du village, ça lui paie son matériel dit-il.
Il ne fait pas envie quand même… Faut pas que je traîne ici trop longtemps !

En dehors de la bulle nautique

Je suis rentré dans un pub où les étudiants venaient de commander 230 shooters de jager. J’ai pris un coca en attendant de les voir faire, c’était joyeux !

Un mec en passant m’a dit « sympa ton perfecto », c’est vrai que tout le monde me regarde de travers en fait, c’est pas trendy les perf’ ? En Norvège ça choquait personne pourtant !
Faut tout de suite que je me mette ce truc ringard au possible dans le placard « déguisements » !

Bâtiment K3, « Deutsche qualität »

Un petit tour au musée de la base sous-marine construite par les Nazis. Un minuscule musée pour une si grande base… C’est frustrant mais les bâtiments eux valent vraiment le détour ! Des alvéoles à sous-marin indestructibles qui ont permis la maintenance de 40% des quelques 1100 u-boot allemands, qui ont coulés pas moins de 2800 bateaux alliés si ma mémoire est bonne.

Grosse ambiance à Lorient !

Le bâtiment K1 de la bas de sous-marins de Kéroman. Construit en 7 mois par les nazis de février 1941 au 1er septembre 1941.

Au final, j’ai plein de choses à faire sur Øya, des choses nouvelles auxquelles je me suis préparé ces derniers mois et qui me donnent un plaisir simple.

Le travail avance naturellement et sans problème, bref la vie est belle donc j’en profite.